Retour d'expérience
Coopération éducative et linguistique : savoir sortir du français pour mieux le retrouver
A travers ce retour d’expérience, Maguelone Orliange-Ladsous explore des approches transversales, qui se révèlent stratégiquement cruciales pour une coopération éducative. Elle partage son regard expert après avoir occupé des postes à l’OCDE, à l’ONU, au HCR, à l’ENA ainsi qu’à la DGM/MEAE puis, dans le réseau, en tant que directrice d’Alliance Française et attachée de coopération éducative dans plusieurs pays. Elle nous fait part de l’impact de deux initiatives dont elle est à l’origine : les rencontres du tourisme au Brésil et en Roumanie, et le projet FrancEcolab Brasil. Cette approche interdisciplinaire et plurilingue ancre solidement l’expertise française dans des territoires de coopération, en particulier là où la langue française pourrait perdre en force.
1/ Se positionner au sein des systèmes éducatifs locaux dans le secteur de l’enseignement technique et professionnel de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme.
R : Dans la recherche de nouveaux publics d’apprenants, il est essentiel de considérer le contexte porteur de la France, première destination touristique mondiale, reconnue pour son riche héritage gastronomique et œnologique. Cette particularité est d’autant plus significative que de nombreux pays considèrent le tourisme et les activités connexes comme un axe essentiel de leur développement économique. Un environnement favorable est renforcé par la présence de multiples acteurs français, qui ne sont pas directement liés au domaine éducatif, mais qui peuvent jouer un rôle de relais ou de partenaires dans nos actions de coopération. Les acteurs comprennent des entreprises privées telles que des groupes hôteliers, des institutions publiques comme les musées et les parcs, ainsi que diverses associations. Leur engagement dans le secteur du tourisme et des activités connexes offre une opportunité unique pour établir des partenariats et des programmes éducatifs pertinents.
Par ailleurs, la France dispose d’un enseignement professionnel et technique de très grande qualité dans le secteur du tourisme, naturellement enclin à s’impliquer dans des projets à l’international. Enfin, les thèmes du tourisme et de la gastronomie peuvent servir de lien transversal au sein des ambassades, en fonction des différents axes de travail et thématiques choisies. Ces sujets peuvent être intégrés dans les activités du service économique et du service culturel, créant ainsi une synergie entre différents secteurs de coopération et renforçant l’impact des initiatives éducatives.
R : Plusieurs axes de travail sont possibles et peuvent être mis en place en parallèle ou à la suite les uns des autres :
- 1er. axe - Formation, à travers le développement d’actions de coopération, dans le domaine de l’enseignement professionnel et technique, avec une attention particulière aux secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme. Cette initiative s’étend sur l’ensemble du continuum éducatif, incluant le niveau universitaire. Les actions comprennent principalement des travaux sur les curricula et les modalités d’enseignement pour la formation initiale et continue.
Un élément stratégique de ce programme est la présentation des campus des métiers liés au secteur du tourisme en France. Il est également important de favoriser les échanges entre les enseignants des deux pays, et d’organiser des voyages de classe et des colloques pour enrichir l’expérience éducative.
- 2ème. axe - Connaissance et diffusion des politiques publiques et des initiatives privées dans les secteurs du tourisme, par le biais de Rencontres France-pays d’accueil. Ces rencontres visent à partager des bonnes pratiques et des retours d’expérience, facilitant la mise en relation des acteurs des deux pays.
Des exemples significatifs de telles initiatives incluent les Rencontres franco-brésiliennes du Tourisme durable (3ème.édition en 2023) et les Rencontres franco-roumaines du tourisme. Ces événements démontrent non seulement l’engagement, mais aussi la réussite de cette approche collaborative, et mettent en évidence les efforts conjoints de la France et de ses pays partenaires pour promouvoir un tourisme responsable et innovant.
- 3ème.axe - Valorisation du français comme langue à usage professionnel au sein des établissements scolaires, ainsi que dans le cadre des projets de classes bilingues techniques. Cette approche contextualise l’apprentissage de la langue et prépare les élèves à une utilisation pragmatique du français dans leur futur secteur d’activité.
- Structuration : mise en place d’accords entre différents acteurs. Ces accords impliquent des collaborations entre établissements techniques locaux et français, entre collectivités locales, ainsi que des partenariats entre entreprises et établissements éducatifs.
- Pérennisation : exploitation d’innombrables déclinaisons du tourisme, telles que le tourisme durable, gastronomique et culturel. Cette approche diversifiée assure non seulement la continuité, mais aussi la pertinence du projet à travers le temps, en l’adaptant aux évolutions et aux divers intérêts du secteur du tourisme.
R : Que ce soit pour des échanges entre professionnels du secteur nécessitant une maîtrise du français à différents niveaux, ou pour la formation initiale des élèves en enseignement technique et professionnel destinée à accueillir les touristes francophones ou à approfondir certaines spécialités en France, l’apprentissage du français en tant que langue à usage professionnel devient essentiel. Une offre de cours, proposant des méthodes d’enseignement adaptées tant aux établissements scolaires qu’aux entreprises, est mise en place par les Instituts français et les Alliances Françaises, garantissant ainsi une formation linguistique professionnelle et adaptée.
Par ailleurs, l’Institut français, en partenariat avec Le français des affaires de la Chambre de Commerce de Paris Ile-de-France, renforce le réseau culturel en facilitant l’intégration du français professionnel grâce au programme « Les clés du français pro ».
2/ Se positionner au moyen de projets interdisciplinaires et plurilingues au sein des établissements scolaires : exemple du projet FrancEcolab Brasil.
R : Le but principal de ce projet est de décloisonner les barrières entre l’enseignement du français et les autres disciplines, afin de rendre l’apprentissage du français plus attractif pour des publics et des acteurs qui ne sont pas naturellement portés vers cette langue. Cette initiative est d’autant plus pertinente dans un contexte où l’on observe une baisse significative du nombre d’apprenants en français, confrontés à une concurrence accrue avec les autres langues.
Une occasion unique s’est présentée avec le passage de la goélette de la Fondation Tara Océan le long des côtes brésiliennes, un événement emblématique d’un engagement envers les jeunes générations. Ce contexte favorable est renforcé localement par la reconnaissance de la France en tant que défenseur des valeurs environnementales. Sur place, un réseau d’acteurs français – comprenant chercheurs, ONG, et représentants d’entreprises – est prêt à enrichir et soutenir ces projets. Cette synergie entre les efforts éducatifs et l’engagement en faveur de l’écoresponsabilité crée une opportunité unique et durable pour promouvoir l’apprentissage du français.
R : Il s’agit d’identifier et d’exploiter une thématique à la fois attractive et relativement nouvelle, en l’occurrence le développement durable, avec des déclinaisons annuelles variées telles que la pollution des océans, la biodiversité, et les forêts. Cette approche vise à assurer la pérennisation du projet à moyen et long terme.
Il était essentiel de bâtir le narratif du projet autour d’objectifs généraux et consensuels, soutenus et validés par l’ambassade et la coopération culturelle française. Les objectifs incluent la sensibilisation des jeunes Brésiliens à leur responsabilité environnementale, les accompagner dans leur engagement d’éco-citoyens, et contribuer à la formation d’une communauté de jeunes francophones actifs dans la protection de l’environnement et le développement durable.
Le projet, tant dans son contenu que dans ses résultats, a été élaboré en collaboration avec des enseignants de diverses disciplines, notamment les sciences de la vie et de la terre, la géographie et les langues, et ce, en français ainsi qu’en portugais. Il a également bénéficié de la participation d’acteurs non éducatifs, tels que des chercheurs, porteurs de projets, artistes et écrivains, afin d’enrichir et de diversifier les perspectives offertes aux élèves. Enfin, des concours ont été mis en place pour augmenter la visibilité du projet.
R : Au cœur même de ce projet interdisciplinaire et plurilingue se situe une expérience enrichissante, tant pour les élèves participant en portugais que pour ceux apprenant le français. Ils ont l’opportunité d’interagir entre eux, d’écouter des intervenants francophones et d’entrer en contact avec le monde francophone. Ce type de projet renforce l’appréciation du dynamisme de la langue française, impactant positivement non seulement les élèves, mais également leurs parents et les directeurs d’établissements.